Spécificité de l’ULTX
Contrairement aux records traditionnels qui se font à l’air libre, nos cartes mères vont être plongées dans un caisson maintenu le plus possible sous vide ou sous atmosphère sèche. La raison ? Elle est très simple : pas d’air ambiant = pas d’humidité = pas de condensation ! A basse température, cette condensation est très sévère et même une grosse isolation ne suffit pas toujours à éviter la formation de glace sur la carte mère. Cette condensation peut provoquer dans certains cas la mort de la carte mère mais cela arrive rarement quand même. Pour éviter tout cela, on va créer une atmosphère sèche directement ou par réinjection des vapeurs de LN2 dans le caisson car l’azote ne contient pas d’humidité. Suivant la méthode on refroidira plus ou moins tout le reste des composants, c’est ce qui distinguera principalement l’ULTX1 de l’ULTX2.
Cette atmosphère nous apporte l’avantage certain de ne pas devoir effectuer tout le travail pénible d’isolation à la mousse et à la vaseline dans tous les sens ! Les tests à effectuer ne nécessitent aucune préparation particulière et peuvent être lancés en quelques minutes. Nos expériences seront moins impressionnantes que les autres car on ne manipulera pas directement le LN2 et il n’y aura ni glace ni brouillard de condensation. On souhaite tout simplement éviter ce genre de situations :
Un 2ème avantage majeur est d’éliminer une partie importante des pertes thermiques qui consomment du LN2 pour rien. En effet dans les autres records, il y a beaucoup de pertes inutiles dues à l’environnement qu’on liste sur ce schéma :
La différence de température entre le LN2 et l’environnement étant très grande, les puissances parasites autres que le processeur peuvent être assez importantes. On va toujours du plus chaud vers le plus froid donc tout l’environnement va converger en quelque sorte vers le conteneur apportant son lot de chaleur. Le LN2 ne va évidemment pas se priver d’absorber le maximum d’énergie car il est dans un état physique instable. Ces pertes sont de plusieurs ordres :
- l’air environnant va être refroidi directement par le conteneur donc perte thermique par convection
- l’humidité de l’air va condenser autour du conteneur donc il y a changement d’état puis descente en température de l’eau
- le refroidissement du PCB qui ne cesse de se réchauffer puisque l’air autour est à la température ambiante
- le réchauffement de l’ensemble par le rayonnement de l’environnement tout entier
Dans notre cas, on élimine totalement le refroidissement de l’air, la condensation et la partie du réchauffement du PCB par l’air. Il nous reste juste le rayonnement car la carte mère est isolée des parois du caisson. Bref on a plus grand chose à refroidir sauf le principal : le processeur. L’autonomie de notre système, à volume de LN2 égal, sera donc supérieure à n’importe quelle autre, nous laissant le temps de faire des tas d’essais et de benchmarks si l’on veut.
On peut définir quelques ordres de grandeurs au sujet des puissances parasites qui viennent s’ajouter au processeur. Supposons un conteneur posé sur le CPU de 8 cm de diamètre et de 30 cm de hauteur. La différence de température entre sa paroi et l’air est d’environ 220 °C et le tout est réchauffé par convection naturelle. Vu le deltaT très important on peut prendre un coefficient de convection égal à 8 W/m²/K ce qui nous donne une puissance supplémentaire de 8*220*(Pi*0.08*0.3) = 133 W uniquement pour l’air qui se trouve autour du conteneur. Tout ce qui remonte du PCB n’est pas compté ici mais ça intervient aussi puisque l’air réchauffe tout.
Le fait de condenser et de refroidir la glace formée, représente des pertes par chaleur latente et chaleur sensible. Energétiquement parlant, il faut faire évaporer environ 3.5 kg de LN2 pour former 1 kg de glace puis le descendre à -196 °C. Il en va de même pour le métal composant le conteneur car plus il est volumineux plus il faut de LN2 pour le descendre en température. Les pertes par rayonnement seront également élevées car la puissance absorbée varie selon la puissance quatrième des températures entre la paroi et l’environnement. Plus le conteneur sera haut avec beaucoup de surface plus on gaspillera du LN2 pour rien…
Sachant que le LN2 a une chaleur latente de 198.4 kJ/kg à -196 °C, que sa masse volumique vaut 0.808 kg/L et que 1 W = 1 J/s on peut calculer le volume consommé de LN2 pour une certaine puissance à dissiper. On considère qu’il n’y a que le transfert par changement d’état qui intervient dans l’évacuation de la puissance. Si la puissance à dissiper totale (pertes incluses) vaut 500 W (= 500 J/s) cela signifie qu’on va consommer 1 kg de LN2, ou encore 1.23 L, en 198400/500 = 397 s soit 6.6 min. Donc avec 20 L de LN2 on pourrait théoriquement tenir 107 min ! On se rend bien compte que les pertes secondaires sont en fait très élevées car les records à l’air libre durent en général peu de temps. Pour information et avant de développer le reste, nous avons tenu plus de 1 heure avec 20 L de LN2 sur 4 essais différents (avec descente en température à chaque fois).
Le dernier avantage est celui qui concerne la température d’ébullition du LN2. La pression dans le caisson ou dans les blocs sera relativement faible, on va donc pouvoir décaler le point d’ébullition au maximum jusqu’à -210 °C, exactement comme l’eau qui bout vers les 85 °C en haut du Mont-blanc à cause d’une pression plus réduite. Le gain obtenu n’est pas extraordinaire car l’azote a son point triple, c’est à dire l’unique point où il coexiste dans les 3 états physiques en même temps, à -210 °C et 0.12 bar donc très proche de sa température d’ébullition comme beaucoup de gaz autour de lui. Si on atteint ce point triple, on aura formation de glaçons d’azote tout simplement… Complètement isolé et sans aucune charge, on aurait pu peut être l’atteindre comme dans les vases Dewar en physique, mais on n’a pas eu le temps d’essayer.