Régulation indépendante
Une régulation indépendante fait appel à un élément qu’on désigne par le terme « amplificateur magnétique » ou mag-amp pour faire court. C’est ce qui permettra d’ajuster précisément le niveau des tensions et de pallier à leur manque d’indépendance. Les alimentations qui emploient ce genre de post-régulation sont peu nombreuses et sont majoritairement des alimentations haut de gamme comme les Antec True power ou Phantom, les Seasonic S12 500-600 W, l’OCZ Powerstream et les PC Power & Cooling pour ne citer que celles là.
Voici l’exemple d’une Seasonic S12 500 W pour voir les différences avec celle du dessus. Il y a à présent 2 mag-amps : un pour le 3.3 V et un pour le 5 V (une régulation couplée n’en a qu’un seul pour le 3.3 V). On a aussi une grosse inductance de lissage par tension, donc 3 grosses, et non plus seulement 2 dont une couplée entre le 5 et le 12 V :
Comme une inductance classique, le mag-amp est toujours un fil entouré autour d’un noyau ferromagnétique torique pour emmagasiner de l’énergie sous forme magnétique lors du passage d’une impulsion. La grande différence avec une simple inductance vient du matériau employé pour le noyau. Contrairement aux inductances de lissage, où l’on souhaite rester loin de la saturation du noyau (= gavé d’énergie magnétique) pour ne pas perdre les propriétés inductives (car ça devient alors un simple fil), le mag-amp va justement utiliser ce phénomène pour changer complètement son comportement électrique. On dit que c’est une inductance saturable et il peut alors être contrôlé pour servir d’interrupteur magnétique un peu spécial. Il sera, en quelque sorte, capable de redistribuer avec un décalage une certaine quantité d’énergie afin de modifier la valeur moyenne d’une tension.
On a vu que la tension finale est déterminée par la hauteur et la largeur des impulsions que l’on va moyenner. La hauteur représente le niveau de tension qui est déterminé par le rapport du nombre de spires au transformateur, on ne peut donc pas y faire grand chose. Par contre, rien n’interdit de moduler une deuxième fois la largeur après le transformateur ! Un mag-amp est cet élément qui va pouvoir réduire la largeur des impulsions délivrées par l’enroulement secondaire, avant qu’elles ne soient lissées par l’inductance.
Voilà précisément le résultat obtenu (tensions juste avant lissage) avec un mag-amp sur un exemple fictif où l’on souhaite abaisser du 5 V pour créer une autre tension plus faible :
Le principe est de retarder le front montant de l’impulsion sur la ligne concernée pour en diminuer sa valeur moyenne (toutes les impulsions sont synchrones sur toutes les lignes puisqu’elles proviennent d’un même transformateur). Sur l’exemple, on retarde l’impulsion de 3 µs sur la ligne n°2 pour baisser la moyenne du signal à 3.5 V par exemple. En ajustant précisément le temps de retard, on comprend que l’on peut maintenir la tension de sortie avec une grande précision quelle que soit la charge. Si la tension en sortie diminue, on réduit le retard pour laisser passer plus d’énergie et inversement.
Les surfaces de couleur bleue représentent la part d’énergie éliminée d’une manière subtile pour créer le 3.5 V, mais elle n’est pas dissipée. Inutile de massacrer le rendement en dégradant de l’énergie inutilement ! Un mag-amp est un dispositif très efficace, n’occasionnant quasiment pas de pertes.
C’est ce que le 3.3 V utilise tout le temps (sauf dans le très bas de gamme où il peut être couplé avec le 5 et 12 V). Le 3.3 V ne possède pas d’enroulement sur le transformateur, il est directement créé à partir du 5 V. C’est son mag-amp qui va s’occuper de faire disparaître les 1.7 V de différence de manière efficace.
Le 3.3 V est régulé de manière indépendante grâce à un circuit qui compare la tension de sortie à une référence et qui en déduit les corrections à apporter au mag-amp en temps réel. Pour être encore plus précis et faire abstraction des chutes de tension dans les câbles, vu la faible marge de manoeuvre (3.14 à 3.47 V), on n’utilise pas la tension juste en sortie de l’alimentation sur le PCB comme d’habitude, mais la tension au connecteur ATX grâce à un fil de retour supplémentaire (le 3.3 V remote sense à la broche 13). Certaines alimentations disposent de 3 retours pour chaque tension principale afin d’améliorer la régulation. Ca permet d’avoir 12 V au connecteur et non pas 12 V dans l’alimentation, et pareil pour les 2 autres.
Avant d’expliquer le fonctionnement du mag-amp, parlons un peu de ses caractéristiques. Il n’a que 2 états distincts dans notre application de régulation. Il peut être dans un état non saturé, c’est à dire qu’il possède une très grande inductance qui ne laisse pas passer le courant (enfin très peu car ce n’est pas une inductance infinie). A l’opposé, il peut être saturé, auquel cas son inductance chute brutalement à zéro, il devient alors un simple fil n’occasionnant qu’une infime chute de tension à ses bornes et le courant peut le traverser. Il se rapproche fortement d’un interrupteur idéal sans pertes.
Voici un exemple d’implémentation d’un mag-amp dans une alimentation simplifiée de topologie forward avec 2 tensions arbitraires dont l’une gère le découpage et l’autre s’autorégule grâce au mag-amp situé avant l’une des diodes Schottky. Il suffit d’imaginer une ligne supplémentaire en parallèle pour le 3.3 V, qui est identique au 5 V :
A la sortie du mag-amp (en V4), figure aussi la sortie d’un circuit noté « reset mag-amp » très important. C’est lui qui gère son comportement en le contraignant, grâce à une certaine tension appliquée en V4, à avoir un certain retard sur l’impulsion suivante.
Rentrons dans le détail avec ce schéma de la branche du 5 V où l’on remplace le circuit de reset par ce qu’il est, c’est à dire une source de tension ajustable notée Vc :
On suppose que le secondaire du transformateur (Ns) fournit une tension V1 alternative en créneau de +/-10 V et de période 20 µs. Sans le mag-amp et la tension Vc, la sortie filtrée serait donc du 5 V. On suppose aussi que le mag-amp L1 est déjà saturé avant d’arriver à t=0 et que Vc = -6 V. Juste avant t=0, le mag-amp était passant (un simple fil) et la tension en V3 valait 10 V (on néglige la chute de tension de la diode D2 pour l’explication). A t=0, la tension V1 devient négative à -10 V, ce qui bloque la diode D2. Le mag-amp voit alors à ses bornes une tension égale à V1+Vc (D1 est devenue passante), soit 4 V, qui vont rester durant le temps où V1 est négative, c’est à dire 10 µs. Durant ces 10 µs, un faible courant issu de Vc traverse le mag-amp et le force à revenir dans un état non saturé (le reset). On dit alors qu’on applique une remise à zéro de 4 V * 10 µs = 40 Vµs. Ce sont ces 40Vµs qui vont définir le temps de retard à imputer à l’impulsion suivante.
Quand t=10 µs, V1 change de signe et revient à +10 V. Le mag-amp étant revenu dans un état non saturé grâce au reset précédent, il ne va pas laisser passer le courant, qui arrive du transformateur, tout de suite. La tension aux points V2 et V3 restera à 0 V jusqu’à ce que le mag-amp soit à nouveau saturé à cause des 10 V à ses bornes. Toute l’astuce se situe ici car le temps que met le mag-amp à se saturer est défini grâce aux 40 Vµs qu’on a « préchargé » dans le noyau à l’impulsion négative précédente ! Le calcul des zones A et B est montré sur le graphique et comme elles sont de même surface (40 Vµs), on peut déduire que le temps de retard vaut 4 µs. Ce qu’on a accumulé en A, on le transfère en quelque sorte en B pour annuler une partie de l’impulsion. Quand ces 4 µs sont écoulés, le mag-amp devient saturé presque instantanément, son inductance chute brusquement et il laisse alors passer le courant sans opposer de résistance. Les tensions V2 et V3 (chute de tension de D2 négligée encore une fois) passent alors à 10 V et le cycle recommence…
Finalement, au lieu d’avoir du 5 V avec du 10 V haché à 50 % (alternances positives de V1 uniquement), on obtient du 3 V grâce à du 10 V haché à 6/20 = 0.3 soit 30 %. On a décalé le front montant des impulsions de 4 µs à chaque fois, on a donc diminué la valeur moyenne de la tension V3 une fois qu’elle aura été lissée. En modifiant Vc avec un petit système électronique, on modifie la surface de la zone A et donc celle de la zone B indirectement. Comme la tension maximale ne change pas, le retard est le seul paramètre à pouvoir évoluer. C’est comme ça qu’on peut réguler très précisément la tension en sortie, pour peu que la tension de reset Vc puisse être modifiée très finement.
Vous avez surement compris que pour une alimentation réelle, il suffit de faire la même chose que le 3.3 V avec le 5 V en introduisant un mag-amp juste avant l’une de ses 2 diodes de redressement et le tour est joué ! Ce deuxième mag-amp sera piloté, de la même manière que pour le 3.3 V, par rapport à la tension de sortie du 5 V pour s’adapter en temps réel aux conditions de charge en sortie. Il n’y a plus que le 12 V à réguler, ce qui ne pose pas de problème puisque la commande de découpage est toujours disponible et on peut l’utiliser rien que pour lui à présent. Le 12 V est donc la tension dont les variations piloteront directement l’étage de découpage, c’est sa régulation à lui. Les autres tensions s’ajusteront toutes seules grâce à leur mag-amp respectif. La régulation est alors devenue indépendante !
Si l’on charge beaucoup le 5 V et que le découpage ne change pas (12 V invariant), il faut être sûr que le mag-amp dispose de suffisamment de marge de manoeuvre pour que le 5 V soit maintenu à son niveau en faisant tendre le retard vers 0. Un mag-amp ne peut délivrer qu’une tension de sortie plus faible que la tension à son entrée donc il faut bien définir la hauteur des impulsions et la capacité du mag-amp sous peine d’être un peu trop limité.
Au final, ça en fait un moyen très efficace pour réguler des alimentations à sorties multiples, sans que les chargements sur une ou plusieurs lignes n’influencent la régulation de l’ensemble. On peut alors réduire la tolérance sur les variations de tension en sortie et Antec les définit par exemple à +/- 3 % contre +/- 5 % pour les alimentations classiques. Lors de tests sur une alimentation bien faite (Seasonic S12 500 W), les variations sur le 12 V de 0 à 100 % de sa capacité (chargement dissymétrique) sont de seulement 0.015 V.