14 octobre 2024

Aurora : réalisation d’une cascade – Page 2

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Aurora : réalisation d’une cascade – Page 2/11Rédigé par David D. – 05/12/2005
Catégorie : Extreme-Cooling

« Page précédente 1 – Introduction2 – Principe de fonctionnement des cascades3 – Variante possible : Autocascade4 – Le matériel employé pour Aurora5 – Le matériel employé pour Aurora (suite)6 – Assemblage de la cascade7 – Caisson pour les tests8 – Aspect global9 – Quelques essais10 – Vidéo en fonctionnement11 – Conclusions Page suivante »
Principe de fonctionnement des cascades

Descendre en température jusqu’aux environs de -30 à -50 °C n’est pas une tâche très difficile à accomplir. Un système intégrant un compresseur et un gaz du type R22, R290, R404 ou R507 ne pose pas trop de souci de mise en oeuvre et permet d’obtenir déjà de très bons résultats. Là où ça se complique un peu, c’est quand on veut franchir ce cap et descendre beaucoup plus bas en température (entre -60 °C à -200 °C) de manière continue (pas de LN2) pour pousser encore plus loin la machine, la température étant l’ennemie principale de l’overclocking. Pour comprendre la difficulté de mise en oeuvre, il faut définir quelques petites notions et réalités physiques inhérentes aux gaz.

On rappelle que dans un système frigorifique à compresseur, le froid est obtenu par la détente d’un liquide de 12 bars à 1 bar environ grâce à un détendeur (capillaire, TEV, CPEV), ce liquide étant lui-même le résultat de la liquéfaction d’un gaz dans un condenseur (radiateur). En entrée du détendeur à environ 12 bars, le liquide se trouve presque à température ambiante, disons 25 °C, et le fait de faire chuter sa pression vers 1 bar l’oblige à se refroidir jusqu’à -30 °C à -50 °C suivant le gaz utilisé, il n’a pas le choix.

On ne fait donc que remplir sans cesse un évaporateur (équivalent du waterblock sur un processeur) avec un liquide tout simplement glacial. Une fois dans cet évaporateur, réchauffé par le processeur, il se retrouve dans un état instable qui l’oblige à bouillir et à se vaporiser pour absorber la puissance qu’on injecte et pour l’évacuer à nouveau vers le compresseur. Cela se fait quasiment à température constante comme de l’eau qui bout à 100 °C quelle que soit la puissance de chauffage sous la pression atmosphérique. L’ébullition n’est là que pour assurer le transport de l’énergie thermique, elle ne refroidit rien, elle ne « crée pas de froid ».

Dans ce cas là, on est en droit de se demander pourquoi on n’utilise pas directement de l’azote gazeux, par exemple, en tant que gaz frigorigène dans notre petit système vu qu’il bout à -196 °C sous 1 bar, on aurait des super performances ! Ce n’est malheureusement pas si simple car sinon tout le monde l’utiliserait… S’il est très facile de laisser bouillir l’azote liquide (ou autre fluide à basse température d’ébullition) dans un évaporateur, il est en revanche beaucoup plus complexe de recondenser les vapeurs obtenues pour faire en sorte que le cycle frigorifique ne s’interrompe jamais (boucle fermée).

En effet, un gaz typique pour système monoétage (R22, R134a, R290, R404a, R507) ne demande qu’une température avoisinant la température ambiante, disons 20 à 40 °C, pour redevenir liquide facilement sous 12 à 15 bars environ. En comparaison, pour condenser de l’azote gazeux, il faut que la température soit au minimum de -147 °C pour que la phase liquide puisse simplement commencer à exister ! Au dessus de cette température, et quelle que soit la pression, l’azote n’existe pas sous forme liquide donc il est inutilisable dans notre cas : c’est ce qu’on appelle la température critique. C’est pour cela qu’avec des bouteilles classiques (hors conteneurs cryogéniques donc), on ne trouve que des bouteilles d’azote gazeux sous 200 bars par exemple, alors que les bouteilles de propane (R290) dans une station service contiennent du propane liquide sans difficulté car sa température critique (96 °C) est très haute par rapport à l’air ambiant.

Voici quelques exemples de gaz classés suivant leur température de condensation avec leur température critique associée :

Gaz T° d’ébullition à 1 bar T° de condensation à 12 bar T° critique
R134a -26 °C 44 °C 101 °C
R290 (Propane) -42 °C 34 °C 96 °C
R22 -41 °C 30 °C 96 °C
R404a -47 °C 23 °C 72 °C
R23 -82 °C -25 °C 26 °C
R744 (CO2) -76 °C -35 °C 31 °C
R1150 (Ethylène) -104 °C -48 °C 10 °C
R14 -128 °C -81 °C -45 °C
R50 (Méthane) -162 °C -120 °C -82 °C
R740 (Argon) -187 °C -153 °C -122 °C
R729 (Air) -194 °C -164 °C -140 °C
R728 (Azote) -196 °C -167 °C -147 °C

Autrement dit, on voit bien qu’il est strictement impossible d’utiliser des gaz comme le méthane ou l’azote dans un système monoétage car on ne pourra jamais les liquéfier en utilisant un condenseur ventilé avec de l’air ambiant, même si on allait au pôle Sud pour avoir un air record à -70 °C ! Il faut donc ruser un peu pour obtenir un environnement à ultra basse température qui soit propice à leur liquéfaction.

C’est ce que permettent des équipements que l’on appelle les systèmes en cascade ou les systèmes multi-étages. Le but est d’imbriquer plusieurs systèmes monoétages les uns dans les autres, d’une certaine manière, pour avoir une suite de cycles frigorifiques tous liés entre eux. On aura alors autant de compresseurs que d’étages souhaités. Plus on aura d’étages, plus on pourra descendre à très basse température en utilisant des gaz de plus en plus difficiles à liquéfier.

Au lieu d’utiliser un évaporateur rempli de fluide glacial sur un processeur, on va utiliser ce fluide pour venir encercler un tuyau dans lequel circule un gaz demandant une basse température pour sa liquéfaction. C’est ce qu’il se passe dans l’échangeur inter-étages (couramment désigné HX pour Heat eXchanger, même si cette appellation est globale) qui n’est rien d’autre qu’un tuyau enfilé dans un autre tuyau dans lesquels 2 fluides différents vont circuler en sens inverse généralement (à contre-courant).

Cette fois, les conditions de pression et de basse température étant réunis, le gaz du 2ème étage peut alors se liquéfier et aller vers un évaporateur pour atteindre les -100 °C dans les bons systèmes. Il suffit maintenant de multiplier le nombre d’étages en utilisant à chaque fois le nouveau liquide obtenu, de plus en plus glacial, comme source de froid pour refroidir le gaz suivant qui demande une température encore plus basse pour sa liquéfaction, et ainsi de suite. En bout de chaîne, on récupère alors un liquide à ultra basse température !

Il faut pour cela bien choisir ses gaz ou ses mélanges pour étager correctement le système afin que tous les étages fonctionnent (= permettent la condensation du prochain gaz) quelles que soient les conditions extérieures. L’étagement couramment utilisé pour une cascade à 3 étages est R404a > R1150 > R14 par exemple. Pour un 2 étages, on aura R404a > R1150 ou R404 > R744 suivant la disponibilité des gaz car certains sont très chers, tel le R14. Pour des raisons d’encombrement, les HX à tubes coaxiaux sont enroulés en spirale, mais il existe bien d’autres modèles comme les échangeurs à plaques par exemple.

Ci-dessous, figure le schéma de principe d’Aurora et seul l’étagement des HX est représenté. Les différents organes de sécurité, les compresseurs, les désurchauffeurs, les séparateurs d’huile, etc. ne sont pas dessinés pour ne pas alourdir l’ensemble. Le choix proposé pour les gaz est l’un des cycles potentiellement envisagés. Il est réalisable sous certaines conditions qu’il faut évaluer lors des tests pour juger de sa viabilité car il n’est pas du tout définitif. On le donne pour montrer un exemple de cycle :

Le R404 liquide qui arrive du 1er étage, a été condensé facilement à l’aide d’un gros condenseur ventilé, et il vient faire condenser l’éthylène (R1150) du 2ème étage. Celui-ci, à son tour, condensera le méthane (R50) du 3ème étage et le méthane fera condenser l’air (R729) du 4ème étage. C’est cet air, devenu liquide, que l’on enverra dans l’évaporateur posé sur le CPU. A chaque étage, la température diminue d’une cinquantaine de degrés environ, dans de très bonnes conditions. On peut donc espérer atteindre des températures proches de -200 °C (à vide) théoriquement.

Le choix des gaz des 2 derniers étages est très délicat car ça nécessite des tests poussés pour voir si, une fois en charge, on peut continuer à condenser correctement et ça n’est pas prouvé… L’étagement du dessus est théoriquement viable, mais il ne permet qu’une très faible marge de manoeuvre vu la différence de température entre les 2 gaz de fin de cycle. Le choix des gaz étant très limité dans ces zones là (argon, air et azote principalement), il faut tenter de faire au mieux pour garder une pression d’évaporation la plus faible possible pour avoir une température d’ébullition la plus basse possible. Les compresseurs seront généreusement dimensionnés (cylindrée ~50 cm3) pour aspirer fortement et fournir un gros débit de liquide. Des mélanges de gaz sont aussi à envisager pour aider la condensation dans les étages inférieurs. Il faut alors tâtonner, faire de nombreux essais et tout cela demande beaucoup de temps !

Attention si vous vous lancez dans ce genre de gros système, car les gaz employés ne sont pas sans risques. Aurora telle qu’elle est décidée contient des gaz hautement inflammables. Une fois éteinte, les gaz des étages inférieurs vont se dilater énormément à cause de la température ambiante et engendrer une forte pression dans les conduites. Attention donc à la qualité des brasures ! Il est impératif de tout pressuriser au préalable avec un gaz neutre pour voir si le système est étanche sous haute pression.

Plusieurs étagements sont donc envisagés pour Aurora en fonction de l’avancée dans la recherche des différents gaz. Ci-dessous, est représenté l’un des cycles probables. Il fonctionnerait bien car c’est le moins risqué au niveau des écarts : la pression maximale nécessaire serait de ~11 bars pour condenser le R14, autant dire que c’est assez facile. Néanmoins, il ne permet qu’une température de seulement -160 °C en décalant le méthane au dernier étage, qu’on ferait condenser avec du R14 à l’étage 3 :

L’une des choses qui apparaît lorsque l’on a beaucoup d’étages, c’est que pour maintenir une grosse charge thermique à ultra basse température, il faut dépenser beaucoup d’énergie. Dans notre cas, il faut avoir des compresseurs de plus en plus gros au fur et à mesure qu’on remonte les étages en s’éloignant de l’évaporateur car les puissances thermiques en jeu dans les HX deviennent de plus en plus élevées. L’unique condenseur ventilé du 1er étage doit être suffisamment costaud pour encaisser tout ce qui remontera des étages précédents par l’intermédiaire des HX (plusieurs kilowatts de chaleur).

Ne pas oubliez non plus qu’à ces températures très basses, l’humidité de l’air va se transformer en glace sur les parois si on n’isole pas correctement et sur de grosses épaisseurs, ce qui rend le système très imposant. Comme pour l’ULTX, Aurora aura des caissons hermétiques pour éviter d’avoir à isoler quoi que ce soit, l’air contenu dans ces caissons ne représentant qu’un très faible volume et c’est déjà un isolant.

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