Après le remue-ménage provoqué par leur premier dossier, que nous avions relaté dans cette actualité, et qui avait pour but de montrer que leurs radiateurs étaient plus performants que leurs homologues laiton/cuivre, Koolance remet le couvert et tente de s’expliquer une nouvelle fois avec des mesures à l’appui. Celles-ci sont issues de la boîte coréenne KATECH qui est principalement tournée vers le monde automobile. On la supposera indépendante (a priori, les radiateurs Koolance ne viennent pas de là, ils n’ont l’air de faire que de la R&D).
Si les mesures rapportées semblent potentiellement correctes sur certains points, elles ne sont absolument pas en adéquation avec le monde du watercooling tel qu’on le conçoit. De plus, certaines mesures sont tout de même étranges, notamment les pertes de charge hydrauliques qui sont complètement surévaluées par rapport à ce que nous, ou d’autres, avons pu mesurer (sans parler qu’avec la viscosité réduite de l’eau à 85 °C, elles devraient être encore plus faibles). Quand on voit leur système de mesures, on peut se demander s’ils n’ont pas oublié de retrancher les pertes de charge de leur grosse connectique, car ce n’est peut-être pas adapté à de si petits radiateurs… Ils ne disent pas non plus tout sur ce qui a été utilisé. Mais ce n’est pas le plus important, car l’erreur sera a priori la même et ça ne sert pas directement pour le test qu’ils font puisque tout est imposé. On fera aussi attention aux différences mesurées, par rapport aux radiateurs concurrents, qui paraissent tout de même étrangement élevées…
Le tunnel à air avec son énorme ventilateur centrifuge permettant des ventilations extrêmes pour tester les radiateurs de voitures
A l’aide d’un tunnel à air, ils ont donc comparé trois radiateurs doubles : un Thermochill PA120.2, un Hwlabs GT Stealth 240 et un Koolance HTE-NX004P. Manque de chance, ils ont utilisé des conditions de test qu’on retrouve dans le monde automobile, ce qui fait qu’on obtient des résultats un peu farfelus et sans réelle possibilité de discussion sur la réalité qui nous intéresse. Ils doivent le faire exprès… Voyez plutôt leurs résultats sur la dissipation (disponibles de manière un peu plus complète dans ce PDF):
Plus de 50 % de mieux pour Koolance. Impressive 😮 !!
Koolance nous proposait déjà couramment le 1 kW comme argument publicitaire, mais on multiplie maintenant par 10 histoire de faire encore plus sensationnel. Près de 10 kW de dissipation ! Vous allez vous dire que ce n’est pas possible avec un si petit radiateur, qui dissipe plus que tous vos gros radiateurs de maison réunis, et pourtant si ! C’est ce que nous répétons à chaque fois que des grosses valeurs de puissance sont données pour faire bien, car il faut regarder attentivement les conditions dans lesquelles c’est mesuré (ce n’est pas toujours dit pour éviter de se ridiculiser). Tout dépend de ce qu’on injecte dans le radiateur, il dissipera autant qu’on veut tant qu’il ne fond pas !
Je vous invite à regarder cette page pour savoir comment ils procèdent et comment est fait le calcul pour retrouver la puissance dissipée.
Une température d’eau exagérée
En effet, pour parvenir à de telles valeurs de dissipation, tout à fait réelles, l’eau en entrée de radiateur est maintenue à ~85 °C et l’air de ventilation à ~25 °C, ce qui nous fait 60 °C de deltaT (différence) entre les deux. Enorme ! Dans le monde du watercooling, cette différence dépasse rarement les 10 °C à pleine charge si votre système est bien conçu avec un radiateur bien dimensionné et une ventilation pas trop asthmatique (rapport performance/bruit). On retrouve ce genre de grand deltaT dans les voitures entre le liquide de refroidissement issu du bloc moteur et l’air qui arrive à l’avant de la voiture, car les puissances à dissiper sont élevées (rendement moteur minable).
C’est déjà un premier point qui fait que les différences entre les radiateurs seront plus qu’exacerbées et il faut bien en tenir compte pour conclure correctement, ce que ne fait évidemment pas Koolance. Ils n’ont visiblement pas réfléchi très longtemps aux conséquences ou alors ont choisi volontairement ce genre de valeurs pour les compiler avec ce qui va suivre et atténuer certains points. Les deux autres concurrents se retrouvent à égalité ici, l’un étant fin et dense, l’autre étant épais et peu dense.
Une ventilation de furieux
Koolance présente ses résultats pour une vitesse homogène d’air de 5 m/s. Or, si l’on fait le petit calcul pour voir le débit que cela représente au travers des radiateurs doubles, on trouve que le débit d’air réel qui les traverse est de 320 à 330 cfm, suivant la section frontale du radiateur. C’est près de 5 à 10 fois plus que ce qu’une majorité de gens auront avec des ventilateurs « classiques ». Il y a aussi des tests à 3 m/s, ce qui fait tout de même près de 180 cfm, donc assez bruyant puisqu’il faut atteindre 2×90 cfm effectifs… Ils ont même eu la bêtise de pousser les tests jusqu’à 10 m/s (soit 660 cfm), ce qui est une folie inatteignable pour nous. Koolance se garde d’ailleurs bien d’aborder la notion de bruit et des moyens à mettre en oeuvre s’il fallait obtenir un tel niveau de ventilation, car c’est complètement grotesque !
Ici, le débit d’air est imposé grâce à une pression statique élevée, or un ventilateur classique type Papst de 60 cfm maxi et 2.5 mmH2O de pression maxi par exemple, ne laissera passer en 12 V qu’environ 25 à 45 cfm à travers un radiateur suivant sa densité, car il faut bien sûr prendre en compte la perte de charge occasionnée par les tubes et les ailettes. Tout comme une pompe, un ventilateur ne débite jamais son maximum (il le fait uniquement à l’air libre sans rien des deux côtés, ce qui n’a aucun intérêt). Et si vous sous-voltez, c’est évidemment pire et le débit d’air devient alors extrêmement faible.
Ce deuxième point concernant la ventilation est le plus problématique. Un radiateur dense avec beaucoup d’ailettes comme les Koolance (les pertes de charge mesurées montrent clairement que leurs radiateurs sont les plus restrictifs pour l’air et pour l’eau) aura tendance à voir ses performances attiser par la grande ventilation imposée. C’est alors un peu la loi du plus « surfaceux » qui prend l’avantage ici (il n’y a pas que ça évidemment).
Les concurrents comme les Thermochill ont été expressément conçus très peu denses (12 FPI) pour être efficaces avec de faibles à très faibles ventilations. Tout ceci a déjà été montré par diverses personnes indépendantes sur les forums par exemple (jamais contre un Koolance, il est vrai, tellement ils sont peu adaptés à une utilisation hors d’un de leurs kits…). Leur problème c’est qu’ils sont assez épais, ce qui est handicapant pour les intégrer. Il est donc tout à fait normal qu’ils se fassent « éclater » quand la ventilation devient irréaliste. Au dessus de 2×60 cfm environ, le gain offert par plus de ventilation devient faible avec ce genre de radiateurs peu ailettés. A grand débit d’air, l’efficacité de la convection sur ces ailettes n’est plus vraiment un souci, c’est alors la surface qui manque pour en profiter pleinement. C’est un peu pareil que pour le débit d’eau dans un waterblock : au dessus de 400 L/h, les gains sont de plus en plus faibles et difficiles à obtenir.
Un radiateur est un compromis entre le nombre d’ailettes, la densité, la profondeur, le nombre de tubes, l’importance de la ventilation qu’on vise, etc. Le radiateur idéal et universel n’existe pas. Chaque modèle a ses avantages, ses inconvénients et son domaine de prédilection.
Ici, il faut bien se rendre compte que même en employant deux monstres comme des Delta 120 mm de 40 W, qui crachent 230 cfm maxi dans un vacarme assourdissant (65-70 dB) et avec une relative bonne pression (~10x celle d’un ventilateur plus « sage »), ça sera presque insuffisant pour atteindre les 330 cfm réels du test, qu’on peut décomposer en 2×165 cfm, une fois accrochés aux radiateurs !
Bilan…
Finalement, les mesures de Koolance ne sont pas exploitables et la partie la plus intéressante est complètement occultée. Selon leurs tests, on sait principalement qu’ils sont plus restrictifs à tous les niveaux que leurs concurrents, mais ça ne va pas tellement plus loin. La manipulation et le choix des paramètres de tests sont visiblement favorables à Koolance et il en sera sûrement autrement dans des conditions normales. Rappelons une chose que nous avons déjà énoncée dans nos dossiers : un radiateur qui n’est pas forcément à l’aise avec une faible ventilation peut très bien l’être avec une forte ventilation. Et le contraire est tout aussi vrai…
D’ailleurs, leurs radiateurs sont tout de même bons en thermique dans un vrai système de watercooling, car leurs kits ne sont pas si à la traîne que ça en général (le kit est un tout, attention aux conclusions trop rapides !). Ils seront assurément du même niveau que tous les autres. Pourquoi ne le seraient-ils pas ? Mais quant à conclure, comme ils le font, qu’ils sont vraiment largement mieux, cela demande des tests moins fantaisistes que ce qui est proposé. Au lieu de montrer ce genre de test inutile, qui va encore les conduire à subir de nombreuses remarques à cause des tendances marketing de prendre les gens pour des ****, Koolance aurait sûrement mieux fait de s’abstenir de répondre. La firme essaie probablement de sauver les meubles en présentant les choses de manière déroutante et indirecte, mais, en toute objectivité, elle s’enfonce encore plus…
Jetez donc vos mauvais radiateurs actuels et allez acheter un radiateur Koolance ! Mais débrouillez-vous pour le faire tenir dans la tour, pour accrocher vos ventilateurs, pour mettre les raccords que vous souhaitez et pour éviter la corrosion ;).
Pour confirmer ou infirmer tout ça, il faut espérer que Bill Adams ou quelqu’un d’autre fasse des relevés plus sérieux afin de comparer et discuter sur des bases plus saines et intelligentes (si nous en avons l’occasion, nous le ferons). Attendons aussi l’éventuelle réponse de Willie de Hwlabs face à ces nouvelles affirmations de Koolance (MàJ : il vient de répondre sur son site et va en remettre une couche sous peu, la guerre est lancée, tatata ta…). La firme Thermochill a déjà répondu ne pas être soucieuse à la vue des résultats ridicules et sans lien avec un watercooling classique, tout en pensant que les résultats ne sont pas trafiqués (je cite). Chacun jugera.
A suivre…
Liens à voir chez Koolance : • Réponse à la lettre ouverte de Hwlabs • Les mythes sur les radiateurs cuivre/laiton • Résultats de dissipation thermique par le laboratoire (1) • Résultats de dissipation thermique par le laboratoire (2)
Je ne traduis pas l’anglais cette fois. S’il y a des questions, n’hésitez pas à mettre un commentaire et nous essayerons d’y répondre.
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