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Nanofluides, l’efficacité à la hausse – Page 4

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Nanofluides, l’efficacité à la hausse – Page 4/8Rédigé par David D. – 14/11/2008
Catégorie : Watercooling

« Page précédente 1 – Comment améliorer encore plus l’efficacité d’un refroidissement liquide ?2 – Nanofluide, késako ?3 – Évolution du concept : « size does matter »4 – Amélioration de deux paramètres de base5 – Lutte contre la couche limite dynamique6 – Quels phénomènes principaux sont candidats pour expliquer ces améliorations ?7 – Que donne un nanofluide dans une application réelle ?8 – Bilan sur l’intérêt d’un nanofluide Page suivante »
Amélioration de deux paramètres de base

À très faible concentration, la plupart des suspensions nanoparticulaires se sont montrées efficaces pour améliorer le transport de la chaleur de manière significative. L’intérêt a vite été remarqué quand les premières mesures de conductivité thermique ont montré une augmentation bien supérieure à ce que laissait espérer la théorie de Maxwell (suspensions très diluées). Bien que plusieurs mécanismes physiques aient été avancés pour expliquer ces observations, il n’y a pas de conclusion définitive à ce jour vu la complexité du transfert thermique dans un nanofluide. Il y a très régulièrement des contradictions entre les groupes de chercheurs sur l’importance de tel ou tel phénomène dans les analyses d’ordre de grandeur ou les simulations de dynamique moléculaire.

Une telle augmentation de la conductivité thermique du nanofluide ne peut pas seulement être imputée à la plus grande conductivité thermique des nanoparticules en suspension. Ce n’est pas comme si on faisait juste une bête moyenne pondérée entre les deux valeurs. L’amélioration vient d’une combinaison de plusieurs facteurs physiques simultanés et d’importance variable. À cette échelle nanométrique, le comportement thermique ne partage pas forcément les modèles des structures plus grandes, ce qui impose de faire de la recherche pour en concevoir d’autres plus adaptés afin d’expliquer ce que l’on observe. Des phénomènes particuliers, qui n’ont qu’une infime influence dans des structures macroscopiques, prennent toute leur importance quand l’échelle de taille approche celle des atomes.

Parmi les phénomènes les plus représentatifs pour expliquer le potentiel thermique d’un nanofluide, on trouvera le mouvement brownien des nanoparticules, l’ordonnancement des atomes du liquide à leur surface, les effets des regroupements qui créent des chemins rapides pour le transport de l’énergie, ainsi que la nature balistique, plutôt que diffusive, de la conduction de chaleur dans ces nanoparticules.

Augmentation de la conductivité thermique du liquide

Cette augmentation est de nature complexe, car elle est fonction d’un grand nombre de paramètres :

  • nature du liquide de base
  • nature du matériau constitutif des nanoparticules
  • taille des nanoparticules
  • forme des nanoparticules
  • concentration volumique des nanoparticules
  • température du mélange
  • présence d’additifs
  • pH du mélange

En règle générale, les nanofluides à base de métaux purs donnent de meilleurs résultats que ceux à base d’oxydes métalliques, car la conductivité thermique des métaux est simplement supérieure à celle de leurs formes oxydées. Ceux à base de diamant ou de nanotubes de carbone sont également très performants vu la très grande conductivité de ces deux matériaux.

En l’état actuel des études réalisées, un nanofluide aqueux peut avoir une conductivité thermique de 10 à 50 % meilleure par rapport à l’eau pure à 25 °C. Toutefois, en termes de pourcentage, ça peut grimper nettement plus avec des exemples à 200 % de mieux pour 1 % de nanotubes de carbone multiparois (Ø25 nm et longueur 50 µm soit un ratio d’aspect de 2000:1) dans de l’huile.

C’est donc mieux que l’eau pure, notre référence, mais ça reste très loin des métaux courants puisque, partant de très bas, ça ne dépasse quand même pas les 2 W/m·K environ. La conductivité thermique d’un nanofluide reste donc assez ridicule dans l’absolu, mais un autre paramètre important, lié à cette dernière, va tout de même bien en profiter : le coefficient d’échange convectif que l’on obtient à la paroi.

Assez logiquement, on peut comprendre que la conductivité thermique moyenne augmente avec le nombre de nanoparticules introduites dans le liquide. On peut alors se dire qu’il n’y a qu’à augmenter encore plus la concentration de nanoparticules au-delà de 5 à 10 % pour avoir un super fluide. Malheureusement, ce n’est pas recommandé, car plus on en met et plus la viscosité du nanofluide augmente rapidement. Or, si cette dernière est trop importante, elle ruinera les gains apportés par la hausse de la conductivité thermique, car le débit dans le circuit s’effondrera. Le bilan énergétique de l’installation peut alors devenir plus mauvais si la puissance de pompage doit être trop augmentée suite à l’introduction d’un nanofluide, ce qui est tout le contraire de ce que l’on souhaite obtenir… La seule amélioration de la conductivité thermique n’est donc pas un critère suffisant pour qualifier l’intérêt d’un nanofluide (Figure 16).

Fig. 16 : Facteur d’amélioration de la conductivité thermique de divers nanofluides eau + alumine, jusqu’à 30 % de mieux

Si une plus grande conductivité thermique est une excellente chose, le transfert thermique dans sa globalité dépend aussi d’autres propriétés thermophysiques du fluide. Celles-ci ont par contre tendance à diminuer un peu du fait des plus faibles caractéristiques du matériau des nanoparticules, autre que la conductivité thermique. Le tableau ci-dessous présente un exemple de ce que l’on peut obtenir. Les valeurs des cases vertes sont préférables d’un point de vue des performances thermiques et de l’efficacité énergétique.

Comparaison de propriétés physiques entre un nanofluide (eau + 4 % de CuO) et de l’eau pure, à 25 °C
Fluide Conductivité thermique (W/m·K) Capacité thermique (J/kg·K) Viscosité dynamique (mPa/s) Densité (kg/m3) Tension superficielle (mN/m)
Nanofluide 0,670 3280 2 1250 51
Eau 0,607 4180 1 1000 72

Vu les variations opposées des caractéristiques physiques, il n’est pas évident d’affirmer si tel ou tel fluide est mieux ou pas. Il faut trouver un moyen de visualiser plus ou moins globalement sa qualité pour les échanges thermiques, avoir un facteur de mérite en quelque sorte. On peut estimer ce genre de choses par le calcul du nombre de Mouromtseff (Mo). Il peut donner une grossière idée de l’efficacité d’un fluide en fonction de quatre caractéristiques que sont la densité, la viscosité dynamique, la conductivité thermique et la capacité thermique massique.

L’exemple ci-dessous (Figure 17) montre l’évolution d’un nanofluide aqueux à base d’oxyde cuivrique (CuO Ø50 nm) dans un écoulement turbulent développé à 20 °C et à 1 m/s dans un tube. Le ratio d’efficacité est défini comme le nombre de Mouromtseff du nanofluide divisé par celui de l’eau.

Fig. 17 : Évaluation du potentiel thermique d’un nanofluide par calcul du facteur de mérite de Mouromtseff

Ici, le meilleur compromis semble se situer vers 5 % de concentration avec 50 % d’amélioration du facteur de mérite de Mouromtseff par rapport à l’eau. Vers les plus hautes concentrations, et malgré la hausse continue de sa conductivité thermique, le nanofluide devient de moins en moins intéressant jusqu’à devenir plus mauvais que l’eau à cause d’une viscosité qui explose tellement il y a de particules en suspension. À 15 %, la consistance du nanofluide approcherait celle de l’huile d’olive qui est aussi donnée pour ~100 mPa·s à 20 °C. On peut comprendre que le débit dans un circuit de watercooling n’apprécierait pas trop, ainsi que la couche limite !

Amélioration du coefficient d’échange convectif

L’échange thermique entre la paroi et le fluide ne se fait pas partout avec la même efficacité. Certains endroits permettront un meilleur passage de la chaleur et d’autres beaucoup moins. C’est le coefficient d’échange convectif, noté h, qui représente la qualité de cet échange de chaleur à un endroit donné. Pour un écoulement d’eau en convection forcée et sans changement de phase, l’ordre de grandeur de ce coefficient varie de 0,05 à 10 W/cm2·K environ. C’est la puissance échangeable par unité de surface et par degré. Plus il est élevé, mieux c’est, mais à nous de concevoir correctement l’échangeur pour ça !

Ce coefficient dépend entre autres de la conductivité thermique du fluide, mais également de propriétés telles que la densité, la viscosité dynamique ou la capacité thermique. Un nanofluide va donc déjà automatiquement permettre d’augmenter ce coefficient rien que par sa meilleure conductivité thermique. Dans le cas d’un waterblock, cela va conduire à des températures de paroi moindres et donc une température de jonction du processeur également moindre. Ce n’est pas tout, car la valeur de h dépend aussi de la nature de l’écoulement et de la géométrie du système dans lequel le fluide évolue. Pour simplifier, disons qu’il faut s’arranger pour avoir une grande vitesse et un niveau de turbulence élevé au voisinage des parois, en y mettant, par exemple, des obstacles qui obligeront le flux d’eau à tourbillonner ou à accélérer.

Prenons la formulation d’un échange convectif d’un point de vue global et moyenné (Figure 18), avec Q la puissance transférée, S la surface de contact fluide-paroi et h le coefficient d’échange moyen. Pour une géométrie donnée, on voit tout de suite que pour maintenir l’égalité avec un Q qui ne varie pas (Q = 100 W si le processeur dissipe 100 W) et la température du fluide entrant qui ne varie pas non plus, la seule réponse possible au problème est que la température de paroi diminue quand h augmente, ce qui est une bonne chose évidemment.

Fig. 18 : Le coefficient d’échange thermique h conditionne en grande partie l’efficacité d’un échangeur

Utilisons un exemple simple pour percevoir ce h avec une grille de picots chauffés et soumis à un écoulement simple (Figure 19). Les picots représentent une surface mouillée discontinue, ce qui contraint la couche limite dynamique à se reformer à partir de zéro sur chacun d’eux. Comme son épaisseur de démarrage est extrêmement faible, le transfert paroi-fluide sur une partie des picots peut être avantagé. On peut, sans trop de difficulté, comprendre que cette partie intéressante est située du côté où l’écoulement arrive, car la zone sera la plus turbulente et dotée de la plus grande vitesse vu la contrainte de séparation qu’on impose au fluide. Le coefficient h sera donc le plus élevé dans la partie gauche des picots. Au contraire, sur la moitié droite, le fluide ayant dû « décoller », il se forme une zone de recirculation plus ou moins stable, où du fluide tourne sur lui-même à faible vitesse. Même si elle contribue évidemment à l’échange thermique, cette zone est moins intéressante, car elle est dotée d’un coefficient d’échange moins important. Tout le picot ne transfère pas la chaleur dans l’eau avec la même intensité.

Fig. 19 : Zone de meilleure efficacité avec des picots ronds soumis à un écoulement droit (vue de haut)

L’amélioration apportée par un nanofluide sur ce coefficient d’échange dépendra fortement du régime d’écoulement (laminaire, turbulent, le tout établi ou non). L’augmentation de h est généralement bien plus importante que la hausse de la conductivité thermique. Par exemple, pour une hausse moyenne de 20 % de la conductivité thermique d’un nanofluide aqueux avec 2 % de cuivre, le coefficient h peut grimper de plus de 40 % par rapport à l’eau pure. D’autres tests du laboratoire Argonne avec un nanofluide aqueux à 3 % d’alumine montraient même une amélioration de près de 80 %.

Au final, en régime turbulent, on peut s’attendre à une hausse du coefficient d’échange convectif allant de 15 à 80 % environ avec un nanofluide aqueux par rapport à de l’eau pure. C’est extrêmement appréciable quand on ne peut plus modifier la géométrie de l’échangeur.

En régime laminaire établi, la contribution des nanoparticules a tendance à augmenter. Les hausses peuvent alors être encore plus spectaculaires avec des gains relevés de plus de 300 % grâce à des nanotubes de carbone en suspension. C’est intéressant pour des systèmes utilisant ce genre d’écoulements, car les avantages pourront être très élevés. Par exemple, si les performances ne sont pas une priorité absolue, on pourra franchement diminuer la puissance de la pompe pour avoir un même résultat avec un débit bien inférieur ou alors diminuer l’encombrement du système de refroidissement quand la place est comptée.

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