29 mars 2024

Nanofluides, l’efficacité à la hausse – Page 3

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Nanofluides, l’efficacité à la hausse – Page 3/8Rédigé par David D. – 14/11/2008
Catégorie : Watercooling

« Page précédente 1 – Comment améliorer encore plus l’efficacité d’un refroidissement liquide ?2 – Nanofluide, késako ?3 – Évolution du concept : « size does matter »4 – Amélioration de deux paramètres de base5 – Lutte contre la couche limite dynamique6 – Quels phénomènes principaux sont candidats pour expliquer ces améliorations ?7 – Que donne un nanofluide dans une application réelle ?8 – Bilan sur l’intérêt d’un nanofluide Page suivante »
Évolution du concept : « size does matter »

Si l’idée même d’utiliser des particules solides en suspension pour améliorer un liquide est ancienne, puisqu’elle découle notamment des études analytiques de Maxwell vers 1873, ce n’est que depuis les années 1990 que l’utilisation de particules d’échelle nanométrique est étudiée. Cela a été rendu possible grâce au développement de procédés de fabrication particuliers et novateurs.

Les études scientifiques antérieures se contentaient de tester des suspensions plus ou moins bien contrôlées de particules de taille millimétrique ou micrométrique, donc 1000 à 1 000 000 de fois plus grosses que des nanoparticules. Celles-ci sont malheureusement par nature bien moins efficaces dans le temps. En effet, elles sédimentent rapidement vu leur masse plus importante et elles réduisent l’efficacité du transfert thermique paroi-fluide en se déposant un peu partout (Figure 10). De plus, il fallait généralement en mettre beaucoup pour avoir des effets observables (concentration >10 %), ce qui accentue les problèmes.

Fig. 10 : Quelques différences majeures entre les microparticules et les nanoparticules

Ces mini/microparticules ont tendance à induire une érosion soutenue en impactant les diverses parois ou les pièces mobiles si la vitesse d’écoulement est un peu élevée (pour contrer la sédimentation par exemple), car elles ne suivent pas bien les lignes de courant du fait d’une masse plus importante et donc d’une inertie plus importante (Figure 11). Cela peut conduire à une dégradation rapide de la pompe, des tuyaux, des échangeurs, etc. C’est un peu comme faire du décapage mécanique avec des grains de sable projetés à grande vitesse sur une surface, sauf qu’ici ça se fait plus lentement, mais sûrement. Au contraire, les nanoparticules suivent particulièrement bien les différents mouvements du fluide grâce à leurs infimes taille et inertie, ce qui leur confère un énorme avantage et un pouvoir abrasif (quasi) inexistant.

Fig. 11 : Exemple de dégradation possible par abrasion d’une paroi à cause des impacts de mini/microparticules

Cette propension à détériorer les surfaces confère aussi aux mini/microparticules une plus grande aptitude à favoriser la corrosion physique. Il peut y avoir destruction de fines couches anodisées (1 à 50 µm) destinées à ralentir fortement les réactions électrochimiques s’il y a présence de divers métaux au contact du liquide dans le circuit. Ces grosses particules entrainent aussi une augmentation sérieuse des pertes de charge, ce qui oblige généralement à augmenter la puissance hydraulique pour compenser, ce qui n’est pas très rentable. Elles ont tendance à boucher de fins canaux du fait de leur taille et de leur dépôt, puis elles offrent beaucoup moins de surface de contact avec le liquide (1000 à 100 000 fois moins que des nanoparticules). Bref, que des inconvénients qui ont conduit à leur éviction…

Comment produire ces nanofluides ?

Le point délicat est la fabrication de si petits morceaux de matière plus ou moins bien calibrés. Inutile d’essayer d’en faire chez soi en ponçant un bout de cuivre pour en faire de la poussière par exemple. Ça ne fera que des particules de taille micrométrique au mieux, qui encrasseront le circuit.

Il y a deux méthodes principales pour obtenir un nanofluide :

  • en une étape : vaporisation d’un matériau solide sous vide, puis condensation directe de sa vapeur dans le liquide
  • en deux étapes : d’abord la fabrication d’une nanopoudre sèche, puis mélange et dispersion de celle-ci dans le liquide

Les procédés de fabrication sont de nature physique ou chimique. Ils font l’objet de beaucoup de recherches pour améliorer le coût de production qui reste parfois élevé vu les difficultés de mise en oeuvre et pour obtenir des particules de taille voulue. Chaque méthode a ses inconvénients et certaines ne sont pas aptes à produire de grandes quantités de nanoparticules pour une production de masse vu les contraintes inhérentes au procédé, notamment les méthodes en une étape (Figure 12). Les principaux moyens peuvent être :

  • la mécanosynthèse (broyage à haute énergie)
  • la précipitation chimique (réduction de sels métalliques par exemple)
  • les dépôts chimiques ou physiques en phase vapeur (CVD ou PVD)
  • les dépôts chimiques en phase vapeur assistés par plasma (PECVD)
  • la condensation de vapeurs par détente brutale dans des tuyères supersoniques
  • la pulvérisation cathodique radiofréquence
  • la sublimation par ablation laser (vaporisation d’un échantillon par impulsion laser)
  • la pyrolyse laser (interaction entre un faisceau laser continu et un flux de réactifs)
  • la désintégration d’électrodes submergées par passage d’étincelles (comme pour un usinage par électroérosion)
Fig. 12 : Pyrolyse laser donnant de la nanopoudre à mélanger au liquide et dépôt direct dans le liquide par pulvérisation cathodique sous vide

L’échelle nanométrique et son lot d’effets indésirables

C’est bien d’avoir la nanopoudre, mais il n’est pas évident de maintenir les nanoparticules en suspension homogène juste en la mélangeant dans l’eau, comme on viendrait touiller un sucre dans son café. Selon leur nature, elles ont plus ou moins la fâcheuse tendance de se coller les unes aux autres sous l’action de la force de Van Der Waals (interaction électrostatique de faible intensité). Il se forme alors de plus gros paquets de matière, des agrégats ou des agglomérats, qui risquent de sédimenter rapidement et donc de réduire l’efficacité du nanofluide (Figure 13).

La fabrication en deux étapes présente un peu plus de risques, car le « collage » se produit déjà dans la nanopoudre. Les nanoparticules à base d’oxydes métalliques seraient a priori moins sujettes aux regroupements que les nanoparticules à base de métaux purs dans les procédés en deux étapes. L’intégration en une seule étape directe minimise ces agglomérations, mais les inconvénients de ces techniques de vaporisation sous atmosphère réduite sont de ne pouvoir utiliser que des liquides à faible pression de vapeur saturante (pour éviter qu’ils ne se vaporisent eux-mêmes trop vite dans l’enceinte) et le contrôle sur la taille des nanoparticules formées est limité. Cependant, elle est recommandée pour des métaux purs afin d’éviter l’oxydation rapide des nanoparticules par l’air ambiant.

Fig. 13 : Rapprochement et attraction entre nanoparticules conduisant à des ensembles plus massifs

Il faut donc parfois ajouter des produits dispersants ou surfactants (tensioactifs) pour éviter ces regroupements intempestifs de nanoparticules. Deux principes généraux sont couramment employés (Figure 14) :

  • Dans le cas d’une approche par répulsion électrostatique, les nanoparticules vont voir leur surface se charger électriquement à cause des ions, apportés par le dispersant, qui vont se fixer sur la surface. Il en résulte une répulsion mutuelle des particules puisqu’elles ont toutes le même signe (+ par exemple). Cette méthode est néanmoins sensible au pH du mélange et peut donc se révéler d’usage limité.
  • Dans le cas d’une stabilisation stérique, des molécules à longue chaine (polymères par exemple) vont être adsorbées à la surface des nanoparticules pour former une sorte de barrière tentaculaire qui va limiter leur rapprochement à très courte distance et empêcher la force cohésive de Van Der Walls de faire son oeuvre.
Fig. 14 : Stabilisation stérique à gauche ou répulsion électrostatique des nanoparticules par les charges électriques à droite

Si les produits sont bien choisis, la stabilité et l’homogénéité du nanofluide seront excellentes, même s’ils peuvent influencer légèrement la performance finale suivant leur concentration. L’ajout d’un produit chimique peut aussi être nécessaire quand les nanoparticules ont un comportement hydrophobique (qui repousse l’eau), ce qui est le cas des nanotubes de carbone notamment (Figure 15).

Fig. 15 : À gauche, les nanotubes de carbone seuls coulent. À droite, l’ajout d’un surfactant permet de maintenir la stabilité

Diverses opérations sont souvent réalisées après l’introduction de la nanopoudre dans le liquide, comme une puissante sonication avec des ultrasons, car elles permettent de fractionner les agrégats et de casser les liaisons faibles qui maintiennent les nanoparticules collées entre elles. On améliore ainsi la dispersion du mélange avant son utilisation et on le dégaze en le débarrassant de l’air emprisonné dans les pores des agrégats.

La manipulation d’une nanopoudre est dangereuse et soumise à des règles de manipulation strictes (ultrafiltration, confinement), car la poussière est si fine qu’elle s’insinue partout. Les nanopoudres, de métaux purs plus particulièrement, en suspension dans l’air sont aussi extrêmement inflammables et détonantes si on ne prend pas de précautions. La méthode en deux étapes semble donc être la plus délicate à mettre en oeuvre par rapport à une introduction directe dans le liquide par condensation. Néanmoins, les rares vendeurs de nanofluides emploient majoritairement un procédé en deux étapes par souci de rentabilité et d’échelle de production, même si la qualité est supposée en deçà de ce que l’on obtient avec une méthode directe (utilisée principalement dans les laboratoires pour la recherche vu les faibles quantités produites).

Quid de la corrosion avec des nanoparticules ?

Si la corrosion physique initiée par l’érosion des surfaces est à négliger, on peut en revanche se demander si l’utilisation de nanoparticules ne va pas conduire à une accélération dramatique de la corrosion électrochimique dans un circuit de watercooling vu toute cette matière en suspension. Cela va bien sûr dépendre de la nature des nanoparticules, des métaux qui sont déjà présents dans le circuit au contact du nanofluide et éventuellement des additifs introduits.

On pense évidemment au classique mélange d’aluminium et de cuivre en contact dans un waterblock, ce qui conduit bien souvent à de sévères attaques de l’aluminium, même avec des inhibiteurs de corrosion (mal adaptés probablement). On retiendra deux cas de figure : soit le matériau des nanoparticules est un métal pur, soit c’est une forme oxydée de ce métal. Il n’est pas utile de parler de nanoparticules non métalliques qui seront inertes d’un point de vue chimique pour ce type de corrosion.

Dans le cas d’un oxyde, par exemple des nanoparticules d’oxyde d’aluminium, il n’y a pas grand-chose à attendre dans un circuit contenant des éléments en cuivre, car les nanoparticules sont déjà sous forme oxydée et ne peuvent pas réagir ici pour s’oxyder plus. Les nanoparticules à base de métaux purs sont celles qui vont poser problème, car elles sont susceptibles d’engager des réactions chimiques avec les autres espèces présentes. Par exemple, un nanofluide à base de cuivre dans un circuit ne contenant que du cuivre sera tout à fait compatible et sans effets pervers. Par contre, si de l’aluminium est également présent dans le circuit, la corrosion galvanique risque d’être fortement accélérée avec le dépôt de millions de nanoparticules de cuivre sur l’aluminium formant ainsi d’innombrables départs de corrosion par pile électrochimique. Il faut donc veiller à bien choisir son nanofluide pour être le plus compatible possible avec l’environnement d’utilisation.

Pour finir, il faut s’assurer que la présence d’un surfactant chimique dans le nanofluide n’induise pas de réactions indésirables (coloration, voile, attaque corrosive,etc.) avec les métaux ou matières plastiques présents au sein du circuit, car certains peuvent éventuellement ne pas convenir (pH trop acide ou trop basique par exemple).

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